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                                Saison 109, épisode 29

La fois où Usain Bolt n'a pas dansé au Carnaval de Rio

 
La déception est un sentiment qui ne déçoit jamais.
François Mauriac
 
Avant match
Début mai, un temps de début mai.
Tranquillement mais sûrement, une mélancolie nostalgique m'étreint au fur et à mesure que la journée avance. Dernière fin d'après-midi à Jean Alric. Ultime match avant le mois d'août. Une éternité. Pour ce dernier tour de piste, en principe, les Cantalous ne devraient pas avoir besoin de grands discours pour trouver la motivation : une phénoménale branlée à l'aller (50-3), trois défaites consécutives et surtout l'envie de bien finir pour laisser un bon souvenir à leur public au moment où la nouvelle tribune se termine et qu'il va bien falloir la remplir.
N'en jetez plus, la courge est pleine !
 
Alors nous attendons un feu d'artifice, une explosion, le Carnaval de Rio au milieu du volcan éteint ! Nous voulons voir remonter les ballons comme la sève au sommet des sapins centenaires... nous voulons Hiroshima sur tous les rucks, Apocalypse Now sur toutes les mêlées... des fusées Ariane sauter en touche... derrière, nous ne voulons que des Usain Bolt... nous voulons de l'inspiration, du flair, de la vie, de l'envie, du désir... nous prendrons entrée, plat, dessert et la tournée du patron... le beurre, l'argent du beurre et le coup de la crémière...
Bref, en un mot comme en 103 Peugeot : ON VEUT DE L'AMOUR !
 
Le match :
Les 180 premières secondes du match vont confirmer nos espoirs fous. Sur une touche Columérine, notre poney Caucasien, le bon Levan Datunashvili, va décoller non pas comme une fusée Ariane mais en souvenir de son U.R.S.S natale, il va être mis en orbite comme un Spoutnik.
 
 
 
 
Il vole au dessus de l'alignement et vole l'ogive. Pendant quelques instants, ça va être très joli. Adriaanse joue juste, vite et malin.
Et c'est Tokotuu qui va jouer les Usain Bolt en sprintant sur 62 cm. Les deux défenseurs Haut-Garonnais rebondissent sur le Wallisien comme des lapins sur un pare-chocs de bagnole. Il écrase son quintal et demi vers l'infini et au delà de la ligne, ce qui ne manquera pas de provoquer une alerte tsunami sur les sismographes de la station météo de la ville.
Bernie la Mèche inscrit le premier vrai essai (voir l'épisode d'Albi) de sa carrière professionnelle. Selon des sources proches du milieu de la nuit Cantalienne, cet exploit lui aurait coûté 3 bouteilles de J&B : 1 au France, 1 au Christy et 1 au commissariat.
(5-0, 3e).
 
 
Après l'essai fou, le flou.
Les 77 minutes qui nous séparent de la fin seront les pires de la saison à la piaule. Le vide intersidéral.
Je ne peux pas, je ne veux pas me souvenir de ce qu'il s'est réellement passé. Il me revient vaguement des choses horribles, des regards fuyants, des zombies marchant sur la pelouse les mains sur les hanches, hagards. Pas un bruit, pas un mec pour gueuler, personne pour se révolter. Des passes au juge de touche, des gros broutant le pré sur chaque mêlée, des coachs qui ne coachent plus rien et un public glacial comme un regard d'huissier. Pour la première fois, je me demande ce que je fous là. Je me sens trahi, groggy ou gros Guy, je ne sais plus.
Je souffre en silence. Pour atténuer ma douleur, à l'instar de Schumi, je me réfugie dans le coma et dans le souvenir, et comme en état de mort imminente, la saison défile sous mes yeux.
 
 
Je revois l'essai de Valentin contre Mont-de-Marsan, je vois Chabal prendre une reculée de deux mètres sur un plaquage de Boisset, je me souviens de la gueule des Agenais après qu'ils eussent cru avoir marqué l'essai qui leur aurait permis de réaliser l'exploit de venir gagner dans le Cantal, je me souviens de la bonne tête d'Irlandais de Brady le Rouge (où es-tu, où es-tu ?), j'entends encore le bon président Millette nous assurer que la tribune serait terminée en cas de demi-finale à la maison (aujourd'hui nous avons très précisément 38 points de retard sur cet objectif).
Je vois la lumière au bout du couloir. Je suis attiré.
Quand tout à coup, je me prends un ballon dans le pif ! C'est ce coquin de McPhee qui en cherchant une touche, a trouvé mon nez. Le temps de reprendre mes esprits, la partie se termine.
 
Même si je ne veux rien savoir, à la mine des habitués, je sais tout. On nous expliquera la fatigue, la peur de se blesser avant les vacances, le manque d'enjeu, le budget ric-rac... gnagna... gnagna... Je leur répondrai sans démagogie (un peu quand même), respect du maillot, du public et du jeu. 
 
Une saison à suivre le Stade. Je ne comprends toujours rien à ce jeu mais je commence à saisir cette ville car toute la ville est au stade. Monter à Jean Alric, c'est faire allégeance à la cité, c'est se placer sous sa protection. La peine que j'ai ressenti samedi fut douce car elle me permit de me sentir, pour la première fois de ma vie, AURILLACOIS, miladiou !
Je range ma carte d'abonné dans la boîte où je range tout ce que je ne sais pas où ranger ailleurs.
Dans trois mois, je serai là, arpentant la piste du vieux vélodrome, là même où Merckx et Poulidor ont peut-être gagné une étape du Tour de France. De temps en temps, je me retournerai vers la tribune pour contempler le vaste monde à l'autre bout de ma rue. J'ai tout donné.
 
 
L'action :
Très belle série d'abdos de l'ensemble de l'effectif lors de l'échauffement. Impressionnant.
 
 
La boulette :
Trop difficile de sortir une cagade en particulier. Ce match est une boulette géante.
 
Le joueur :
Au milieu de ce carnage, un très jeune joueur est à sortir du bas du panier : Pelissie. Bien sûr, il n'est pas encore au niveau international mais il a au moins le mérite d'avoir mouillé la liquette. Notre baby-talon a fait honneur à son maillot avec courage et abnégation.
 
 
Le mot du bon président Millette :
"Bon... quelqu'un a une idée pour le nom de la nouvelle tribune...? Non... Personne ? Bon alors on va l'appeler... La Tribune Présidentielle ! Comme au Parc, à Paris !"
 
 

Les ROQUET  de la rédaction

A chaque match à domicile, la rédaction décernera aux joueurs, en toute mauvaise foi, les Roquet d'or : 

5 Roquet : Match exceptionnel, inoubliable, historique

4 Roquet : Très, très bon match

3 Roquet : Très bon match

2 Roquet : Bon match

1 Roquet : Pas mal

Pelissie, Tokotuu, Datunashvili

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